mercredi 12 février 2014

Décidément Babette n'en fait qu'à sa tête.(2)..




Babette raconte tout et sur tous les sujets, sans limite et bien souvent avec elle tout se ramène finalement au sexe et à son intimité qu'elle raconte dans les détails en « long et en large » .

Je vous avais dit qu'elle n'est pas discrète et le problème avec son handicap c'est qu'elle n'a aucune limite dans le langage et dans certains de ses actes.
 Heureusement elle possède des éléments intellectuels de défense de dernière minute.
Hélas cela s'est avéré insuffisant dans le passé car elle s'est fait violer plusieurs fois
 Une fois, un couple aisé (semble t'il) habitant les beaux quartiers l'avait emmenée chez eux soit disant pour faire la fête mais surtout avec l'objectif de "partouzer".
Elle ignorait qu'elle allait servir de « victime » pour leurs jeux.
Ils l'attachèrent nue au plafond de leur grenier au dessus d'un superbe tapis de valeur.
Pour se sortir de ce mauvais pas mais surtout guidée par la peur Babette libéra d'un coup tout ses sphincters sur le bel ouvrage et pour finir en guise de dessert se mit à vomir à plein jet ..
 En colère ses hôtes la détachèrent et la flanquèrent à la porte.

Une autre fois elle tombe sur une bande de jeunes du quartier qui lui déclarent tout de go :« on va te violer »
 Elle leur répond texto avec une totale sincérité  : «  je ne suis pas contre mais j'ai une grave maladie de peau extrèmement contagieuse ».
 Ils se rattrapèrent en disant qu'ils plaisantaient et s'éloignèrent assez rapidement.
 Quand elle se sent en danger elle a désormais suffisamment de ressources pour   trouver des mots qui la sauveront (mais jusqu'à quand?) et ainsi prendre la poudre d'escampette .
 Babette parle à tout le monde, dans la rue, les transports en communs dans tous les lieux où elle va, monte dans des véhicules inconnus arrêtés aux feux rouges ou à un stop...elle se met systématiquement en danger.
C'est la principale raison de sa venue au foyer, elle a besoin d'être protégée  des personnes malveillantes mais surtout d'elle même.
 Le comportement de B. effraie, révulse les personnes qui l'ont en charge particulièrement certaines éducatrices
 Paulette (AMP) ne la supporte absolument pas et pas seulement pour cette raison.
Babette donne des avis critiques en permanence sur les actions des éducateurs ainsi que celles des résidents, se mêle à toutes les conversations y compris dans la rue.
 Son débit verbal est totalement « désorganisé » .
 Elle est souvent envahissante par son discours qui saute en permanence (comme on dit) du « coq à l'âne »
 La plupart des collègues de jour n'ont pas la patience de l'écouter longuement car il faut bien le dire malgré ses nombreuses capacités au bout d'un moment elle « saoule grave » (comme disent les jeunes).

Moi même il me faut l'arrêter quand le quasi-monologue est trop long et fatigant surtout si elle doit se lever le lendemain pour aller travailler.
 Le fait que je prenne du temps avec B.n'a pas toujours été apprécié les premiers temps avec l'ancienne équipe.
 C'est pourtant vrai qu'elle n'en fait qu'à sa tête depuis son opération au cerveau(lymphome T) ...
 Depuis l'ablation de sa tumeur, sa tête ne fonctionne plus comme avant.

Pour parler cru «  c'est un vrai bordel la haut... » .

Sa mémoire bien que désordonnée fonctionne encore et ses capacités intellectuelles ne sont pas trop diminuées.
 Souvent elle me fait rire... par ses récits, les anecdotes de sa vie quotidienne et les situations saugrenues qu'elle provoque ou subit .
Je vous avais dit qu'avant sa maladie Babette avait fait deux ans de fac...donc pas de déficience intellectuelle majeure à l'origine chez elle.
Maintenant c'est la désorganisation totale dans sa tête(et cela semble hélas irréversible) accompagnée de régression globale probable.
 Ses symptômes les plus voyants : confusion mentale, éparpillement ; moment d'intense dépression, libido exacerbée et sans limite malgré un peu d'inhibition due à ses déconvenues et qui lui assurent un peu de protection mais pas toujours suffisamment.


Après l'époque de sa première année parmi nous, vis à vis de l'équipe, je parvins à rectifier le « tir » tant bien que mal en évitant de trop donner mon avis et en me conformant à la pédagogie « éducative » décidée, mettant de côté mes avis personnels et en appliquant le positionnement global de mes collègues. 

Je mis une certaine distance avec Babette.
  Désormais je l'interrompt ; en particulier quand elle me donne trop de détails anatomiques de ses multiples partenaires sexuels ainsi que la description précise de ses rapports et leur durée.
Je lui dis que je n'ai pas à entendre cela et que c'est son intimité qu'elle n'a pas à me le raconter.
Je l'accompagne mais ne suis pas son psy ni son ami ou son confident.

Un jour Babette me fit des propositions concrètes sous forme de plaisanterie...

Je lui répondis que je n'en avais pas le droit mais n'en parlais pas dans les transmissions écrites car les ragots allaient bon train pendant les réunions d'équipe.

Joseph(EJE) eut également droit aux avances de Babette.

Il travaille de jour et contrairement à moi assiste chaque semaine aux réunions .

Notre isolement peut bien souvent nous être négatif car bien des décisions, des interprétations concernant notre travail nocturne sont prises en notre absence et souvent sans que nous ne le sachions à postériori.

Voyant les autres parler beaucoup des confidences de Babette pendant mon service de nuit, Joseph se garda bien de dire aux collègues (en majorité femmes à l'époque)que B. lui avait fait des avances très explicites.

Vous vous souvenez, je vous avais parlé de (l'affreux) Jojo.
Eh bien au fil du temps passé au foyer ils se fréquentaient amicalement et Joseph les encourageait à se rapprocher... (Je pense aujourd'hui que c'est une erreur de sa part) 
Un jour Babette vint se plaindre de Jojo auprès des éducateurs :

« -Jojo a voulu me forcer à  pratiquer une fellation »

Aussitôt l'équipe décida qu'un entretien devait avoir lieu en présence de la chef de service...manifestement il y avait suspicion de tentative de viol... 
Ils se réveillaient un peu tard car si Agathe avait fait son travail de transmission correctement au début  du stage de Babette, il y a quelques années, l'équipe saurait qu'il y a eu un précédent significatif. (miraculeusement (pour Agathe) passé à la trappe ) .

 Il était un peu risqué selon moi de trop vouloir rapprocher ces deux là...

Toujours est-il que les entretiens nous apprirent qu'en fait Babette n'était, selon Jojo, pas d'accord sur le prix pour lui pratiquer une fellation....
"Cinq Euros ce n'est pas assez cher" lui aurait-elle dit.
Jojo lui aurait pris la tête et l'aurait rapprochée (par la force) de son sexe...

Elle  aurait résisté et aussitôt quitté le studio de Jojo
 Babette confirma les dires de Jojo.
 Avait-elle mis au point des "prestations sexuelles tarifées" avec Jojo (et peut-être, qui sait, avec d'autres résidents)?
 Il semblerait à priori que oui...en tout cas concernant Jojo!

Nous avions appris également que l'un des hommes qu'elle fréquentait à l'extérieur voulait la prostituer.
 Au fil du temps nous avons vu défiler les amants de Babette, autorisés pour certains à passer la nuit au foyer dans son studio.
 Elle larguait très vite  les plus gentils mais gardait paradoxalement des relations avec les plus malveillants.
 Babette est sujette fréquemment à des malaises d'inégale importance. Les neurologues et psy ne savent pas dire s'il s'agit d'épilepsie mais ça y ressemble parfois.
Elle sait dans certaines circonstances mettre ces troubles  à son profit .
Un jour  elle a rendez-vous chez  un  psy dans une ville située à un peu plus d'une soixantaine de kilomètres du foyer. Lors d'un contrôle dans le train elle se rend compte qu'elle n'a pas avec elle son titre de transport: illico elle simule un malaise, se retrouve aux urgences et finalement se fait reconduire au foyer par une ambulance.
Si sa tête semble chaotique, son studio et son environnement le sont encore plus.
Chaque semaine elle a besoin d'être accompagnée pour  mettre un peu d'ordre dans ses affaires personnelles. 

Par exemple elle tient un objet à la main, le trouve soudain encombrant parce qu'elle ne se souvient plus de la raison pour laquelle elle l'a auprès d'elle, elle le laisse choir tout simplement sur le sol ou  le pose sur une chaise, une table ou un meuble puis l'oublie .
Son expression verbale est souvent chaotique et ses actes de la vie quotidienne le sont tout autant.
En relisant cette note et tout en l'écrivant, je me rends compte que j'en ai tellement à raconter à propos de Babette qu'il me faudra écrire une autre note la concernant.

Enfin si B. n'a plus toute sa tête, elle nous interpelle en permanence  dans notre rapport au monde en particulier par son dynamisme et sa  détermination à vouloir profiter de la vie malgré tout.
Moments de franche rigolade que nous partageons ensemble mais bien souvent inquiétude au quotidien....

Dorothée Fétoumieux ma collègue, qui travaille quand je me repose (et vice et versa) me disait au tel., tandis que chez moi(*) j'écrivais une note...... qu'une nuit alors que Dorothée exécutait dans la cuisine les nombreuses tâches d'entretien qu'on veut nous imposer, n'a pas entendu Babette qui à appelé à l'aide parce qu'elle venait d'avoir un malaise... 
C'est seulement lorsque cette dernière a repris ses esprits qu'elle a pu l'appeler au tel.
Impossible d'être véritablement opérationnels si l'on n'est pas totalement disponibles pour les résidents.
C'est pour cela principalement que nous sommes employés et non pas pour permettre à Madame "Dominique Vertèbre"(*) et compagnie de faire des économies de personnel "sur le dos des résidents" au détriment de la sécurité des personnes ...je ne cesserai de le répéter...(...jusqu'au jour où un grave "pépin surviendra" qui remettra un tas de choses en question).
Quatre ans que nous nous bagarrons avec Dorothée pour faire comprendre à nos "cadres" qu'il faut changer....
Pour finir: heureusement Babette a pu s'endormir grâce à Dorothée Fétoumieux qui  l'a prise en charge... mais seulement après coup et heureusement que ce ne fut pas un malaise plus grave.

Sommes nous employés pour prendre en charge des personnes en difficulté avec les moyens indispensables et le sérieux que cela implique ou juste là ("Madame Vertèbre") pour justifier "un bizness"  économiquement rentable?...
 Un grand merci à Anne Vanderlove pour "La petite musique" et ses merveilleuses chansons qui m'accompagnent depuis des lustres.
(*):
( Eh oui je n'écris pas quand je suis au travail...pas vraiment le temps...ni la disponibilité pour ça... n'en déplaise à nos chefs de service, Gonzague, Nadine et à notre directrice Madame "Dominique Vertèbre")