mardi 9 septembre 2014

Le harcèlement moral au travail...





Dans "mes historiettes" issues de mon quotidien de surveillant de nuit j'ai succintement et implicitement abordé la question du harcèlement moral dans l'entreprise (*)

Au départ c'est sans aucun doute ce vécu douloureux qui a motivé ce travail d'écriture.

J'ai subi durant trois ans un harcèlement moral incessant dans le but probable de me déstabiliser émotionnellement puis de m'inciter à démissionner ou me faire porter malade après décompensation.
En deux ans on a recensé  dans l'association cinq personnes remerciées ou (très souvent) démissionnaires pour maladie "psychique" (c'est bien sûr leur souffrance au travail qui en est la cause...mais chut...il ne faut pas trop en parler même si  ici on est plutôt coutumier de ce genre d'incident).
Tout ce que je faisais était tourné en négatif et tendait à démontrer que j'étais incompétent.
Moqueries permanentes sur mon travail, ma vie privée, mon apparence, mon comportement....
Directives éducatives contradictoires, dénigrement global directement ou en mon absence (le plus souvent).
Pour mes détracteurs ma collègue était exemplaire tandis qu'on me faisait passer pour incompétent, pas sérieux.
Si mon humour m'a souvent servi, là il m'aura plutôt desservit dans le sens où je faisais l'objet d'une critique globale permanente.
Je suppose qu'ils faisaient cela dans le but évident (maintenant je m'en rend compte) de me discréditer auprès des personnes que nous accompagnons ainsi qu'auprès de la direction.
En permanence on cherchait à provoquer où à suspecter la faute professionnelle.
Pendant ma formation initiale de qualification ainsi que nos formateurs nous incitaient à le faire pour améliorer le travail de l'ensemble de l'équipe, j'avais ramené des documents d'étude que je destinais à mes collègues.
Certains collègues dont Ferdinand dirent que je faisais cela en réaction pour me défendre. (Je lui réserve un chapitre entier à celui-là, il le mérite ce petit chef zélé)
Ce dernier me traita même de réactionnaire.
Sans doute ce Mr ignore-t'il la signification de ce mot et d'abord me défendre de quoi?
En réagissant de la sorte, il m'avouait indirectement son entreprise de déstabilisation.
Il est plus facile de dénigrer une personne et son travail surtout si elle est absente car évidemment comme nous travaillons de nuit nous assistons très rarement aux réunions.
C'est au moment de l'entretien professionnel que  Ferdinand Matuvu notre chef de service de l'époque se montra plus explicite, me conseillant d'aller voir ailleurs et notant sur le document écrit "que mes prises de position" étaient différentes de celle de l'équipe.
Ce qui était totalement faux.
Certes mes avis personnels divergeaient souvent mais jamais je ne les ai montrés ni utilisés dans mon travail.

J'ai toujours appliqué les directives éducatives , toujours suivi les prises de position globales de l'équipe.
Quelques jours plus tard je parlais de mon mécontentement à la direction.
Peu de temps après nous eûmes une réunion: Mme Vertèbre, Mr Matuvu et moi même.
Je fis part du fait que je regrettais son manque de confiance.
Il fit un nouveau document où il me disait déstabilisé par l'entretien et que je regrettais que l'équipe ne me faisait pas confiance.
Il avait déformé honteusement mes propos pour appuyer son entreprise de déstabilisation.
Bien entendu je refusais de signer un tel document.
Je n'étais en réalité nullement déstabilisé mais en colère et en total désaccord  avec ses écrits qui déformaient totalement mes propos et ma pensée

Au lieu de me décourager cette situation m'a plutôt renforcé, incité à comprendre,  devenir prudent puis  à effectuer un travail d'investigation documenté et  analyser la situation en profondeur.

C'est en partie grâce aux travaux de Marie Pezé,  de ses livres et de son site (que je conseille à tout salarié en difficulté) que  j'ai pu comprendre ce que je vivais et que cela faisait  partie d'une méthode de management qui permet d'écarter les indésirables.
Ce n'est pas directement les supérieurs qui vous rendent la vie impossible ce sont aussi des collègues, les chefs de service (manipulateurs, manipulés ou non) qui sont bien souvent les exécutants des basses oeuvres.
Un jour j'avais laissé par mégarde sur le bureau un document sur la manipulation perverse narcissique.
Inutile de vous dire comment "Ferdinand Matuvu" me "souffla dans les bronches".
C'était un document de psycho destiné à un article  Cela n'avait absolument rien à voir avec ma situation (ou plutôt si... mais le plus drôle c'est que je n'avais même pas fait la relation avec le harcèlement que je vivais et dont je n'étais pas totalement conscient) :
Ferdinand ( en colère) : Ah pas de ça avec moi mon petit gars!
Moi: Mais c'est juste un article de documentation de psycho que j'avais oublié de ranger dans mon casier.
Ferdinand: Oui c'est ça! Allez on ne me la fait pas...je ne vous crois pas ...Et pas de ça avec moi!
Hurla t'il à nouveau à mes oreilles.
Vous avez dit démocratie et humanisme au travail?
Vous devez filer doux et suivre le courant sinon on vous écarte .
Cela est vrai dans les entreprises commerciales mais aussi comme ici dans le social où, comble d'ironie, certaines associations comme celle où je travaille  prônent  et affichent fièrement  une pseudo philosophie humaniste.
Si vous avez une personnalité un peu différente, que vous dîtes ce que vous pensez, que vous vous écartez du mode de pensée ambiant dans vos actions  vous êtes bon pour la machine à nettoyer.
Le signe principal d'une mise à l'écart dans le foyer où je travaille est une trop grande complicité avec la population que nous accueillons.
Votre comportement soumis à l'intolérance et/ou à la jalousie de certains collègues est passé au filtre de la rumeur...tiens ça ne vous rappelle pas quelque chose?
L'entreprise, l'association ne se distinguent en rien de l'ambiance politique  générale bien au contraire.
Le monde du travail est soumis aux mêmes influences.
La montée des idées autoritaires et d'intolérance prend sa source dans toutes les strates de notre société et l'entreprise y est  un sacré baromètre.
Nous devons montrer une certaine distance avec les personnes, marquer, rendre visible en quelques sortes notre supériorité sociale, faire preuve d'un autoritarisme insidieux, implicite, rhétorique, avoir une attitude "pyramidale"
Il y a nous (professionnels) d'un côté et plus bas l'handicapé psychique et au dessus nos supérieurs hiérarchiques chacun évoluant dans  sa sphère, sa"communauté de pensée" si l'on peut dire...cherchez bien "la démocratie dans un tel schéma..où tout est soumis au dicta d'un petit groupe qui fait la loi en haut de la pyramide et qui se sert des délégués pour insuffler son mode de pensée et de comportement.
Là aussi ça vous rappelle quelque chose...je suppose.
L'hypocrisie règne ici en maîtresse absolue.
Surtout ne pas dire vraiment ce que vous pensez.
Bien sûr il y a des réunions de concertation, d'analyse de la pratique de régulation etc etc mais ça ne suffit pas à restaurer une véritable démocratie puisque  la décision finale doit être acceptée par les cadres ou la direction .
Il y a ce qu'on dit et ce que l'on sait mais surtout qu'il ne faut pas dire.
Jamais analyser trop les choses en profondeur sinon il y a de la "casse".
Bien évidemment je l'ai déjà dit (mais ne le dirai jamais assez tant m'insupporte l'intolérance en particulier le mépris des personnes différentes...plus souvent ressenti consciemment qu'exprimé directement) ....Il faut éviter de montrer trop d'empathie pour les personnes accueillies.
Plus on est hypocrite plus on est bien vu.
Une résidente me disait l'autre jour à propos d'une situation très banale
" Ben dis donc  ici on ne mélange pas les torchons et les serviettes."
Voyez comme les personnes traumatisées crâniennes peuvent dire certaines vérités qui vont bien au-delà de ce qu'elles même croient au départ.
Je reviendrai plus en détail sur ces analyses au fil de mes historiettes et à travers leur  illustration sur des situations concrètes vécues.
Les histoires (toutes authentiques..juste un peu romancées parfois)... ...témoignent  amplement de ce quotidien difficile.
Voici une fiche pratique empruntée au site "souffrance et travail" concernant le harcèlement dans l'entreprise:

****
Le Harcèlement Moral

Management par le stress ou harcèlement moral?
Stress
Harcèlement

Pression temporelle

Objectifs de productivité dans la tâche prescrite
Injonctions paradoxales
“quantité, qualité, rapidité, sécurité”

Maltraitance psychique
Objectifs d’atteinte à la personne par utilisation des moyens professionnels détournés de leur but productif : missions impossibles, isolement, atteintes à la dignité, menaces

Vertical descendant ou ascendant, horizontal
Individuel, collectif, managérial
Destructeur par essence
Crise identitaire, psychotraumatisme, décompensations psys
Multiplications et interruptions des tâches
Vertical descendant


Individuel, managérial


Destructeur par excès


Epuisement, burn-out, décompensations psychosomatiques


Agissements constitutifs d’une situation de harcèlement
(1)
Systématisation, répétition, durée, visée
individuelle
Ni conflit ouvert, ni altercation ou humiliation isolée


Ni conditions de travail dégradée pour tous


Ni situation d’exigence légitime de travail conforme à la qualification et à la mission, dans conditions ordinaires.


Agissements constitutifs d’une situation de harcèlement


Concernant la tâche (objectifs irréalisables, (2)
consignes paradoxales, absences de consignes, tâches déqualifiées)

Concernant les moyens de travail (privation moyens nécessaires à la tâche prescrite)

Concernant les droits du travail (refus,
menaces sur l’emploi)

Concernant l’évaluation du travail (critiques systématiques tout en reprenant à son compte le travail effectué, critiques paradoxales; indifférences aux résultats; critères non professionnels, changeants )
Agissements constitutifs
d’une situation de harcèlement

Concernant l’évolution de carrière (3)
(obstacles non motivés, répétés)

Concernant les relations de travail : Isolement institutionnel, relationnel, géographique; refus de rendez-vous; déni, projection des difficultés.


Atteintes à la dignité (vexations publiques, moqueries sur apparence, rumeurs, indiscrétions sur la vie privée).


Menaces ou violences verbales ou
physiques.

Risque:
En tomber malade...
Ce n’est pas la situation de harcèlement en elle-même, mais la confrontation à la solitude face à cette situation qui provoque les décompensations.
Vous retrouverez cette fiche (relativement) technique ainsi qu'un grand nombre d'articles d'analyse sur .....

.....le site créé par Marie Pezé: Souffrance et travail(Lien)


(*): Dans cette première partie en ligne depuis plusieurs mois.

Les techniques de management pathogènes

 

Les Techniques de Management Pathogènes

Il faut d’abord savoir que le juriste rattache les techniques de management pathogènes à la violation d’une règle de droit :
- Le détournement du lien de subordination : incivilités à caractère vexatoire, refus de dialoguer, remarques insidieuses ou injurieuses, mots blessants, dénigrement et volonté de ridiculiser, moqueries.
- Le détournement des règles disciplinaires : sanctions injustifiées basées sur des faits inexistants ou véniels ; atteinte aux avancements de grade et d’échelon, aux demandes de formation professionnelle ; évaluation et notation abusives.
- Le détournement du pouvoir de direction : isoler, ne pas donner de travail, fixer des objectifs irréalisables, confier du travail inutile, changer arbitrairement d’affectation.
- Le détournement du pouvoir d’organisation : modifier arbitrairement les conditions de travail ou les attributions essentielles du poste de travail.
Recenser les pratiques de management pathogènes est donc indispensable. Elles recoupent les règles de droit. La liste qui suit doit aider le manager, le salarié, son médecin du travail, son médecin généraliste, son psychiatre, à analyser les conditions de travail dans lesquelles il semble perdre sa santé.

Liste des techniques de management pathogènes


1. Surutilisation du lien de subordination

Les pratiques relationnelles vont chercher à asseoir la relation de subordination comme une relation de pouvoir :
- tutoyer sans réciprocité ;
- enjoindre de tutoyer et d’embrasser ;
- instaurer une asymétrie hiérarchique à visée d’humiliation ;
- couper la parole systématiquement ;
- utiliser un niveau verbal élevé et menaçant ;
- faire disparaître les savoir-faire sociaux (ne pas dire bonjour, ni au revoir, ni merci) ;
- critiquer systématiquement le physique du salarié en privé ou en public ;
- utiliser en public des injures sexistes, racistes, des mises en cause professionnelles face aux collègues ou au public (clientèle) ;
- cesser toute communication verbale (utilisation exclusive de post-it, notes de service, courriels) ;
- ne plus regarder dans les yeux, regarder avec mépris ;
- utiliser l’entretien d’évaluation à visée de déstabilisation émotionnelle.
Les pratiques d’isolement vont elles aussi utiliser la relation pour séparer un salarié de son collectif de travail ou une partie du collectif de l’autre clan. La mise au ban, l’isolement, la solitude génèrent des états de détresse psychique majeurs :
- changements d’horaires de repas pour séparer des collègues habituels ;
- omission d’information sur les réunions ;
- omission d’invitation aux réunions concernant le salarié ;
- injonction faite aux autres salariés de ne plus communiquer avec la personne désignée ;
- complaisance pour certains, rigueur excessive pour d’autres – dans la gestion des horaires ou des temps de pause par exemple ;
- répartition inégalitaire de la charge de travail, en qualité et en quantité ;
- stigmatisation publique d’un ou plusieurs salariés devant le reste de l’équipe ;
- management de concurrence stratégique.

2. Surutilisation des règles disciplinaires

Les pratiques disciplinaires et le contrôle du travail font partie des prérogatives de l’employeur, mais doivent être utilisés avec loyauté et bonne foi. La surveillance humaine ou technologique de tous les faits et gestes peut devenir persécutrice :
- contrôle des communications téléphoniques par ampli ou écoute;
- vérification des tiroirs, casiers, poubelles, sacoche et sac à main du salarié;
- contrôle de la durée des pauses, des absences;
- contrôle des conversations et relations avec les collègues;
- obligation de laisser la porte du bureau ouverte « pour que je vous voie »;
- demande de reporting abusif, utilisation des nouvelles technologies informatiques (NTI) pour contrôler, mesurer et surveiller l’activité corporelle et psychique du salarié.
Les pratiques punitives mettent les salariés en situation de justification constante et s’avèrent contreproductives en détruisant la reconnaissance du travail :
- refus réitéré des demandes de formation du salarié, alors qu’elles sont nécessaires pour assumer l’évolution du travail et ne peuvent être refusées plus d’une fois;
- incohérence des procédures de notation et d’évaluation jouant sur les tableaux d’avancement d’échelon et de grade;
- notes de service systématiques (jusqu’à plusieurs par jour);
- réunions disciplinaires, blâmes et avertissements pour faits véniels;
- utilisation réitérée de lettres recommandées avec accusé de réception, déposées par huissier;
- procédure disciplinaire non fondée;
- affectation autoritaire dans un service;
- incitation forte à la mutation, à la démission;
- blocage à la mutation;
- heures supplémentaires non validées et non compensées;
- vacances imposées ou non accordées au dernier moment;
- multiplication intentionnelle des courriels.

3. Surutilisation du pouvoir de direction et d’organisation

Le pouvoir de direction et d’organisation du geste de travail peut entraîner la perte du sens du travail, du lien au réel, rendre « invisible » le salarié ou l’épuiser.
La perte du sens du travail :
- travailler de façon trop séquencée sans vision du produit du travail ;
- travailler à la limite de l’illégalité : fausses factures, épandages sauvages, réparation incomplète, mauvaise qualité des matériaux impliquant la sécurité du client ;
- devoir appliquer des normes dites de qualité, en convergence avec celles du marché mais pas avec celles du travail ;
- se voir imposer des procédures de qualité en parallèle avec un travail exécuté en mode dégradé.
Les injonctions paradoxales :
- prescrire des consignes confuses et contradictoires qui rendent le travail infaisable, ce qui sera reproché dans un second temps ;
- définir une procédure d’exécution de la tâche et, une fois qu’elle a été exécutée, contester cette procédure ;
- donner du travail sur le mode « mission impossible » ;
- enjoindre de prioriser des tâches dont le degré d’urgence est présenté comme similaire ;
- refaire faire une tâche déjà faite ;
- fixer des objectifs sans donner les moyens de les atteindre, en qualité et en quantité ;
- fixer des prescriptions rigides, à suivre « au pied de la lettre », sans prise en compte de la réalité du travail ;
- imposer l’obéissance à la prescription « au pied de la lettre », au détriment du travail qu’elle est supposée organiser ;
- corriger des fautes inexistantes ;
- déchirer un rapport qui vient d’être rédigé en le jugeant inutile ;
- faire venir le salarié et ne pas lui donner de travail.
La mise en scène de la disparition :
- supprimer des tâches définies dans le contrat de travail ou le poste de travail, et notamment des tâches de responsabilité, pour les confier à un autre sans avertir le salarié ;
- priver de bureau, de téléphone, d’ordinateur, vider les armoires ;
- effacer le salarié des organigrammes, des papiers à en-tête ;
- enjoindre ses collègues de ne plus lui parler ;
- supprimer les outils de travail et relationnels (intranet, réunions).
La reddition émotionnelle par hyperactivité :
- fixer des objectifs irréalistes et/ou irréalisables, dépassant la durée légale du travail, entretenant une situation d’échec, un épuisement professionnel et émettre des critiques systématiques ;
- déposer les dossiers urgents cinq minutes avant le départ du salarié ;
- augmenter excessivement la charge de travail dans un temps imparti ;
- obliger le travail en apnée, entraînant la perte des temps de répit physiologique, cognitif et psychologique ;
- envahir cognitivement, intellectuellement et physiquement, hors du temps de travail – par le biais des NTI.
(...)

Cet article est un copier coller du site créé par Marie Pezé: Souffrance et travail

Un grand merci au site "souffrance et travail"

samedi 14 juin 2014

Adieu Martin (2)




Il est un peu plus de deux heures trente du matin.
Je suis en train de recopier sur l'ordinateur les tableaux de présence aux repas.

Pas une tâche particulièrement attrayante mais il faut bien que cela soit fait.
Tiens, je ne vois plus rien.
La lampe du bureau vient de lâcher.

Je vérifie s'il y a encore du courant en allumant le plafonnier.
Oui ça marche.
Je cherche une ampoule, en trouve une puis la fixe sur la lampe.
Rien : ça ne s'allume pas.

Ah c'est plus sérieux que je ne le pensais.
Je fonce à l'armoire électrique et vérifie les disjoncteurs différentiels !
Oui il y en a un qui est baissé et  c'est celui des prises murales.

Dans ma tête ça fait tilt.
L'ordinateur est branché sur une prise murale.
Pourvu que mes travaux ne soient pas perdus, j'avais presque fini les tableaux.
Je retourne dans le bureau et là je crois halluciner.

Je lis sur l'écran :
 « Adieu Martin je suis « mouru »
car mon disque dur est foutu
Tu devrais aller voir aussi la cafetière
car  bientôt vous ferez sa mise en bière »


 "Mouru" ça n'est pas Français ça!
N'importe quoi cet ordi !

Ça y est cela se confirme: je « yoyotte » complètement.
Ce boulot me rend marteau.

  C'est grand vent.
Je navigue en solitaire sur un voilier, en pleine mer...

Il y a un "scud" qui vient de percuter la voile..du coup elle s'est complètement déchirée et je me suis pris le mât en pleine "tronche".. ......

Mes neurones  ont explosé, ils dansent la bourrée dans ma tirelire et tous les condensateurs sont  "cramés" ?..

 C'est ça...?

Complètement fondu mon disque dur à moi aussi.
Ce « taf » est en train de me rendre complètement   "syphonné"  de la "caboche" !

Je regarde à nouveau l'écran...
Mais non ce n'est pas ce qu'il y avait d'écrit.
Juste, il me  dit qu'il lui est impossible d'ouvrir la session car il n'y a pas de disque dur.

Ben si ...pourtant il y en a un...
Enfin habituellement !
Qui a piqué le disque dur ?

J'ai dû avoir une intuition tout à l'heure alors ?

Faut que je fasse un tour vers la cuisine.
Oulaaa  "ça poque" le cramé  là dedans...
Le socle de la cafetière est effectivement en train de  fumer.

Ah tiens lui aussi il fume ?

Illico je débranche la prise murale et soulève la cafetière.
Un liquide noirâtre malodorant s'écoule sur le plan de travail....
Je  nettoie et décide moi aussi d'aller " m'en griller une " histoire de prendre l'air.

...
 Quelle nuit !

J'apprendrais en revenant après les trois jours de repos qui ont succédé à cette nuit un peu "barge" que notre chef de service " "Ferdinand Matuvu " en personne, après consultation auprès du technicien informatique et s'étant informé de  la décision de Mme Vertèbre annonça aux collègues de l'équipe de jour que nous allions avoir un ordi tout neuf.

Pas trop tôt : il était plus que temps de changer cette antiquité..
Et puis vous avez vu...il débloquait « sérieux » le vieux tas de ferraille !

En attendant presque une semaine sans ordi.
Pas possible ils ne pourraient pas nous prêter un portable ou trouver une solution ?
Mais si !
Ce bon Ferdinand  accepte de nous prêter son ordi perso en attendant
Heu perso...faut pas pousser quand même.

C'est l'institution qui lui fournit le portable à Mr Matuvu !
Normal ; un cadre on lui fournit un portable.
Vous le savez ça quand même, non ?

Je commence à travailler sur le portable de Ferdinand
Plein de codes et de mots de passe qu'il ne m'a pas fournit pour accéder à toutes les fonctions.
Je suis marron...
Sûr qu'il l'a fait exprès...de toutes façons, depuis le début...il ne peut pas me " blairer"  le Ferdinand!
Trois ans de harcèlement moral qu'il m'a fait subir pour que je parte, Mr Matuvu, avec l'appui de certains collègues  de l'équipe de jour.

J'ai constitué un dossier énorme ...il prend toute une armoire.
Heu ...j'exagère un peu là!

Faut que je trouve une solution.
Mais oui bien sûr!
Il suffit d'emmener dans le bureau l'ordi qui est mis à la disposition des usagers, d'y introduire le disque dur de sauvegarde  et « en avant Armand ».

Le lendemain je trouve  un petit mot de remerciement  sur le cahier de transmissions. de la part de  Sidonie ..
 Habituellement elle ne peut pas me "saquer" …
Eh oui elle aussi... mais c'est une copine de Ferdinand c'est donc presque un peu normal !
Tous les deux font équipe dans ce genre là !

Ah que voulez-vous ?
On ne peut pas plaire à tout le monde.

 Et puis Sidonie elle ne supporte personne surtout pas  les résidents qui lui font horreur.

Un jour je lui ai dit :

-Pourquoi tu ne changes pas de boulot si ça te dégoûte tant que ça...tu es jeune et tu pourrais te reconvertir ?

- Mais moi je t'emmerde !

Que voulez vous répondre à tant de gentillesse ?
En tout cas jolie réponse  à ma question qui a le mérite d'être claire et sympathique.
Elle a un sacré esprit d'équipe la Sidonie ...et respectueuse avec ça, d'autant plus que j'ai l'âge d'être son père...Il n'y en a pas deux comme elle...

Ah mais  c'est  que ce n'est pas toujours la vie en rose chez nos bisounours...il y a  des hauts et des bas !
Maintenant tout va bien : nous avons un ordinateur tout neuf avec le tout dernier système d'exploitation et Sidonie est en congés prolongés.

En tout cas avec la fatigue nocturne faudra que je le vérifie  « mon disque dur à moi ».
Je me demande si par moment il ne déraillerait pas une petit peu lui aussi ?

Oui bien sûr vous êtes de mon avis....je m'en doutais ...
Des vérifications régulières s'imposent....
Bonne journée mes bisounours...moi je vais me coucher...j'en ai bien besoin !

mercredi 16 avril 2014

Poésie du soir...bonsoir...



Vingt deux heures...tous (ou presque) sont rentrés du travail depuis longtemps, ont pris leur repas puis sont allés ensuite se détendre.

Certains sont installés  devant la télé, d'autres sont chez eux ... en promenade, seul, accompagné  ou tout  simplement sortis fumer une cigarette à l'extérieur.

Pas tous car deux d'entre eux rentrent plus tard ....

...Pat et Claudine travaillent tout deux en décalé en usine avec  cadences et tout.
Ils terminent à vingt et une heure et n'arrivent au foyer qu'aux alentours de vingt deux heures.

Quand ils rentrent le soir  souvent  ils sont exténués et leur premier geste en sortant du véhicule qui les ramène au foyer est de fumer une cigarette à l'entrée pour se détendre
Ensuite je les prends en charge pour leur donner leur dîner.
Mon premier geste est de les accueillir et de me joindre à eux.

-Bonsoir  Pat... pas trop fatigué ?

Il bascule le haut du corps vers l'avant et hoche la tête :

-Pfff si...y avait  du boulot...

- Tu es fatigué ?

- Oui un peu...

-Après avoir pris ton dîner tu vas bien dormir alors ?

-Ben non...je dors pas la nuit....

-Comment ça tu ne dors pas la nuit ?
- Non...je ne dors pas...

Il éclate de rire...

-Pourquoi tu ris ? Tu fais quoi la nuit si tu ne dors pas ?

- Je pète !

- Quoi ?

-Je pète !
 
- Tu pètes?


Moi aussi j'éclate de rire....

-Très poétique tout ça mais mis à part tes flatulences tu fais quoi d'autres ?

- Je pète....

Il éclate de rire de nouveau...

- Ne me dis pas que tu pètes toute la nuit quand même ?

- Ben si je pète !

- Alors tu pètes tout le temps ?

- Oui...je pète !

Pat ne sait ni lire  ni écrire alors on va dire qu' il fait de la poésie à sa manière :
Pat p(o)ète  toute la nuit dans son studio.

- Bon on va aller dîner, je ne sais pas ce qu'il y a au menu mais on va essayer d'éviter les choux et les oignons...hein Pat ?

Il éclate de rire de nouveau.

Claudine qui a suivit la conversation sourit également.
Pourtant quand elle revient du boulot elle tire souvent une tête pas possible...ses cheveux sont en bataille.....
....une profonde expression de tristesse et d'épuisement envahi tout le visage de Claudine.

Souvent je m'efforce d'avoir une humeur joyeuse et de les entraîner avec moi.
Là du coup c'est Pat qui a dressé le décor.

Nous allons dans la cuisine prendre le repas.
Ils sont tous les deux détendus maintenant  et pour commencer  Pat englouti un plein saladier de crudités...

Claudine mange peu...je l'encourage...
Je leur tiens la conversation...
 Très souvent je les accompagne en grignotant quelque chose avec eux.


Ce sont des petits moments de convivialité importants qui, certains soirs, s'étalent un peu plus longtemps dans la soirée

 Ils ont maintenant pratiquement terminé leur repas...je relance Pat :

- Alors après ... tu vas faire quoi ?


- Péter...... !
- Tu vas encore péter toute la nuit?...
- Oui toute la nuit...(il rit de plus belle).

Quel P(o)ète-p(o)ète tu fais!
Amis de la poésie du soir...
....Bonsoir !

 


lundi 14 avril 2014

...Extinction salutaire d'énergies nocturnes parasites




Jean Claude  est en colère quand il déboule dans le bureau:
- C'est quoi ce bordel j'ai plus de courant..."j'pige pas"...il y a de la lumière dans mon studio mais  ma télé ne marche plus.

JC comme les "forçats de nuit" vit la nuit...la journée il bulle ou dort...
Normalement il travaillait en atelier protégé comme tous mais il n'arrivait plus à supporter les autres qui lui rendaient la vie dure par leur rejet.
Etait-il juste physique ce rejet des autres ou bien plus profond?


Certes  Jean Claude n'a pas un physique banal... il est grand, émacié avec un visage pas possible et une expression du visage un peu craintive, furtive parfois.
Ses gestes sont parfois exagérément efféminés...
Ce qui lui reste de chevelure forme un "toupet" un peu bizarre.
Vous le savez (et puis c'est la grande mode ces temps-ci)...la différence amène souvent le rejet en société..

Lui non plus sa vie d'avant le foyer n'est pas banale...
Il raconte quand il est en confiance qu'il a fait de la prison et y a été torturé...
D'après ce qu'il raconte, il fut accusé  à tord d'avoir violé une femme et fit quelques mois en préventive...
Fragile, JC a subit la maltraitance des autres détenus...
Libéré et innocenté il en resta traumatisé et fragilisé à vie ....

Il passa ensuite plus de trente ans en institution et en milieu protégé...
Les derniers temps il ne voulait plus travailler et n'aspirait qu'à être autonome.
Le problème c'est qu'il est incapable de gérer un budget et qu'il a trouvé refuge en se refermant sur lui-même...devant son poste de télé la plupart du temps.

JC aimait bien venir la nuit en cachette observer ce que j'étais en train de faire...souvent pour me surprendre....
Croyez-moi parfois faut pas être cardiaque pour faire ce job.


Imaginez: je suis en train de passer la serpillère, briquer les plans de travail dans la cuisine ou, que sais-je, en train de vider le lave vaisselle...et tout à coup sans que je m'aperçoive de son arrivée, je me trouve face à face avec la "tronche du grand serein  " qui était là depuis "des plombes à me regarder bosser comme "le pauvre forçat que je suis...

Non mais imagine...et s'y j'étais cardiaque?...
Lui JC il s'en fiche...ça l'amuse...ben moi pour tout vous dire... ça m'énerve..
C'est pas drôle, ne vous marrez pas....

Il le faisait avec tous les surveillants de nuit.
C'est par lui que nous apprîmes que certains remplaçants roupillaient sur le canapé.
Normalement cela nous est interdit car nous sommes embauchés pour une veille "debout" pas question de se coucher.

Toutes les deux heures ou parfois plus souvent il sortait fumer sa cigarette...
Il avait pris ce rituel et n'hésitait pas à venir me voir pour que je lui tienne compagnie dans ces moments là.

Le problème c'est qu'il me retardait  car, je l'ai dit, nous avons de plus en plus de tâches à accomplir la nuit... et je ne suis pas embauché "pour prendre du bon temps".

Bien sûr nous sommes là pour rassurer, dédramatiser écouter mais au bout d'un moment avec JC cela devenait de plus en plus pesant car toute conversation tournait autour des mêmes problèmes et surtout il ne faisait pas grand chose pour que ceux-ci puisse être résolus.

En plus de la fatigue physique s'ajoutant au décalage  du travail nocturne  s'ajoute une fatigue morale qui amène avec l'âge à un cumul long à récupérer ensuite...

Quand Jo (collègue de jour)  me dit que nous ne sommes pas malheureux car nous avons un peu plus de congés que l'équipe de jour, je lui propose volontiers d'échanger nos places pour qu'il se rende compte de la pénibilité de notre service.

Nous avons en fait les mêmes congés que les collègues de jour plus un repos compensatoire de sept pour cent de notre temps de travail de nuit soit environ vingt minutes par nuit.


Pour vous montrer à quel point nos employeurs sont "pingres"...
 Nous travaillons dix heures, sont inclus les temps de transmissions aux collègues.
Environ un quart d'heure.
 Pour calculer notre repos compensatoire ils se basent sur neuf heures quarante cinq.
 Le temps de transmission du matin n'y est pas inclus. 
Ils considèrent que le quart d'heure après sept heure du "mat" est du travail de jour.


Vous l'aurez compris...au bout d'un moment...le "Jean Glaude"...avec ses sorties surprises...commence à me les "briser sérieux"... et une nuit...

Il sort de chez lui et se met à râler comme en plein jour faisant fit du sommeil des autres:

- C'est quoi ce bordel j'ai plus de courant...j'pige pas...il y a de la lumière dans mon studio mais  ma télé ne marche plus. Je n'ai pas pu voir la fin de mon film...

- D'abord Jean-Claude tu vas "la mettre en veilleuse" car tu n'es pas seul et je te rappelle que tu dois respecter le sommeil des autres...ensuite je ne suis pas électricien...je n'y peux rien..

Petit (ou gros c'est selon) mensonge de ma part car cette nuit là le "Jean Glaude" il était sorti  déjà trois fois en deux heures et j'en avais sérieusement "raz la casquette" d'être surpris en plein ouvrage, de le voir  en permanence, venir fumer son clope et me tenir ensuite le crachoir, me répéter toujours les mêmes choses comme il fait chaque nuit...alors que de son studio il avait accès à une sortie sur le jardin et où il ne dérangeait personne...
Mais cela l'ennuyait disait-il car son chat risquait de s'échapper...

Je lui avais répondu:
- Tu sais ..je ne crois pas que ton matou il t'en voudra  si, le temps que tu fumes ta cigarette, tu l'enfermes quelques minutes dans la salle de bain..

Alors comme Mr  continuait son petit manège ... après son troisième passage, j' étais allé au tableau électrique et j'avais  momentanément coupé le différentiel qui commande les prises murales...

Imaginez bien qu'après son "coup de sang", je ne l'ai plus vu de la nuit  ensuite le JC...se balader sur le collectif...
Même que pour une fois il aurait  dormi cette nuit-là!
Pour de l'éducatif....finalement...

L'idée n'était pas de moi au départ mais de Jo qui savait que si je faisais cela... il y aurait probablement des répercutions... et comme il aime bien intriguer pour mettre les autres dans la panade, il m'avait ainsi suggéré de couper le courant  des prises murales... afin que l'autre "grand serein" aille enfin se coucher...
Ni une ni deux le lendemain JC téléphona indigné à la directrice Mme Vertèbre pour se plaindre...
Celle-ci en référa au nouveau Chef de service qui, le soir suivant ne manqua pas de m'appeler..

Heureusement ce n'était plus Ferdinand Matuvu (il me l'aurait fait payer...lui)  mais un remplaçant qui compris vite mon exaspération et ne manqua pas de me soutenir...
En plus j'eus le soutien de toute l'équipe (ou presque)

Pas complètement idiot..je n'avais pas manqué de faire observer au CDS remplaçant que  l'idée ne venait pas de moi mais d'un intervenant éducatif de jour, Joseph ..pour ne pas le citer!!

J'en fis part à Jo quand il me dit qu'en réunion d'équipe ils avaient parlé de mon intervention "électrique" concernant  JC. croyant me mettre en difficulté ...

Ma réponse:
- Tu sais c'est arrangé avec le nouveau CDS , je lui ai expliqué hier soir et j'ai dit que l'idée n'était pas de moi mais de toi, ce qui est la vérité...non?

- Roooo tu exagères Martin!

- Heu oui....ça m'arrive parfois...mais seulement quand c'est nécessaire et quand c'est pour la bonne cause.

- Tu n'as pas dit ça quand même?

- Ben si Jo...quelque chose te déplait?

Après ça l'incident fut clos et JC vint même me présenter des excuses...

Quelques semaines plus tard JC nous quittait pour un autre lieu d'accueil.. du style maison de retraite pour personnes handicapées...malgré son jeune âge encore...

samedi 29 mars 2014

...De la Grèce aux Chateaux de la Loire.....Les vacances de Violette



- Allo Martin ?

- Oui !

- C'est Dominique Vertèbre...bonsoir Martin !

- Bonsoir Madame la Directrice !


- Je vous appelle, rapport au départ en vacances de Violette. J'ai vu que vous refusez de l'emmener à la gare après votre service  Dimanche matin...et puis votre mail disant que vous refusiez sans explication ne m'a pas plus du tout.

- Ce n'est pas moi qui vous ai envoyé ce mail c'est Sidonie...c'est vrai qu'elle n'a donné aucune précision et qu'elle a été un peu sèche. Je lui ai dit que je n'étais pas d'accord car cela ne me paraît absolument pas prudent d'emmener Violette à la gare après une veille de dix heures en pleine période de départ en vacances..

Je vous rappelle que je reprends juste après mes congés annuels et vous connaissez la pénibilité de notre travail de surveillant de nuit pour avoir passé vous-même une nuit au foyer  en remplacement exceptionnel.

 D'autre part Violette est très fatigante qui plus est quand elle est angoissée. Elle est confuse éparpillée totalement imprévisible et instable.... Non cela ne me paraît absolument pas raisonnable. Vous n'avez pas un cadre d'astreinte ou non à proximité du foyer susceptible de l'emmener ?


-Non absolument pas et c'est moi qui suis d'astreinte ce Dimanche. (elle crie dans le téléphone)Je ne sais pas si vous vous rendez compte ..Regardez René qui s'échine à organiser un barbecue Dimanche...et vous...


 - Enfin Mme Vertèbre, je ne vois pas bien le rapport entre le barbecue de René dimanche après midi et   la dangerosité d'aller emmener à la gare avec le fourgon une personne comme Violette suite à une nuit de veille. Et puis ce sont des heures supplémentaires qui ne seront pas payées .

- Mais bien sûr qu'elles seront payées.

-Oui mais pas en heures supplémentaires...Je trouve que vous abusez un peu pour le salaire que nous avons. Mille deux cent euros par mois, mille quatre cent quand nous avons travaillé trois dimanche dans le mois avec des nuit de veille de dix heures. Sans majoration pour les heures supplémentaires  que vous nous faites faire.

Elle élude ce dernier point.

-Je vous trouve beaucoup dans la revendication Martin !


Soudain allez savoir pourquoi , il me vient l'envie d'éclater de rire.

-Absolument pas Madame Vertèbre...mais je vous le dis ce n'est vraiment pas prudent après une nuit de veille...Mais je vais l'emmener Violette...comme vous le vouliez...vous me connaissez depuis le temps...

Le dimanche arrive et c'est l'heure de partir.
Violette est prête  mais comme je l'avais prévu elle est totalement chaotique, éparpillée, confuse.
Elle fait de nombreux aller retour entre le bureau et sa chambre.

Elle aussi  abuse ...elle me demande maintenant de mettre sa valise dans le fourgon !

-Dis donc Violette tu exagères.... mets la toi même...

Elle s'exécute.
Je démarre le fourgon et nous partons...
Les autres au foyer restent seuls car l'organisation est vraiment  « au top ce Week End »...le professionnel qui doit me relayer n'arrive qu'à  huit heures...et il est six heures trente....


- Ah ben moi je ne serai pas passé par là... c'est plus long !

-Là Violette tu « me pompes l'air » je passe par où je veux c'est moi qui conduit...

- Ben moi je te dis ça....


Nous arrivons très rapidement à la gare...
Violette veut  sortir du camion et foncer vers le hall de la gare :

-Si ça ne te gène pas je te laisse...une minute je vais voir si mon train est affiché...

- Et ta valise, qui va la sortir ?

- (elle rit) ..Ben toi évidemment !

- Pas question... tu ne descends pas ...je me gare,  tu sorts ta « valoche » et nous irons ensemble ensuite voir l'affichage dans le hall.

Elle ne dit rien et attends boudeuse, impatiente...
Nous allons ensuite  dans le hall regarder si le train de Violette est affiché.


-J'ai envie d'un café...tu m'en offres un ?

Pour qu'elle se calme, je lui donne une pièce, elle va prendre son café au distributeur.
Pendant ce temps je regarde le panneau où sont affichés les départs..
Celui de Violette est annoncé avec plus d'une heure de retard..

Je suis un peu perplexe car Violette doit être prise en charge à son arrivée dans la capitale par un animateur de l'organisme de vacances.
Il doit la conduire ensuite vers l'aéroport qui l'emmènera vers son séjour en Grèce.
Ils attendent habituellement au maximum un quart d'heure car l'avion décolle à l'heure lui...et tant pis pour les retardataires....

J'essaie avec mon tel portable de joindre l'organisme de vacances...pas de réponse juste un répondeur...j'y laisse un message.
Violette revient son gobelet de café à la main.

Elle pose son café par terre...

- Qu'est-ce que tu fais Violette ?...



- Ben quoi je pose mon café pour me griller un clope.

- Non il faut qu'on sorte du hall c'est interdit de fumer ici.

Elle ramasse son café et nous sortons....
Je continue avec mon tel à essayer de joindre l'organisme de vacances...

Violette pose à nouveau son café par terre...
-Violette ce n'est pas prudent et pas très hygiénique de poser ton gobelet sur le sol et puis..

Je n'ai pas terminé ma phrase qu'un voyageur pressé « shootte » dans le gobelet renversant son contenu sur le sol.
Cela n'incommode pas trop Violette qui vient de sortir elle aussi son tel portable pour regarder ses messages.
La machine à angoisser Violette est en route quand je lui apprends que son train va avoir  du retard.
Elle veut aller voir au guichet pour interroger  l'employé..

Il y a une longue file qui attends et pas question qu'elle aille  là-bas.
-Non Violette allons sur le quai où doit arriver ton train...
-Mais ça ne sert à rien puisqu'il va avoir du retard..il n'y aura pas de train sur ton quai puisqu'il n'est pas arrivé.
- Si Violette ...généralement ils laissent des voitures pour que les voyageurs qui ont réservé puissent s'installer en attendant le départ.. et nous y trouverons certainement le chef de gare qui pourra nous donner des précisions..

Elle accepte ...composte son billet puis  nous nous dirigeons vers le quai....
Violette semble amusée de la situation mais n'en demeure pas moins inquiète...elle affiche un large sourire...parle à tout le monde, raconte le retard du train aux personnes qu'elle rencontre...

Là je ressens comme une grande  fatigue...pas question d'attendre que le train parte.
Si sa voiture est sur le quai, je l'installe à sa place numérotée et je rentre chez moi...
Oui mais il va falloir si ça se prolonge que je prévienne la cadre d'astreinte...

Effectivement la voiture en question est sur le quai...
Alors que Violette s'installe à sa place, un chef de quai demande à tous les voyageurs de descendre car maintenant il est prévu plus de deux heures de retard.

Violette fonce interroger le chef de train....puis des voyageurs...à qui elle raconte sa vie...
Elle m'épuise.
Je lui dis qu'il faut  aller à la salle d'attente...
J'appelle la cadre d'astreinte...
Pendant que  je téléphone à Mme Vertèbre, Violette m'a faussé compagnie, s'est installé près d'un voyageur avec qui elle entame la conversation...puis se lève de son siège et va pour partir....
-Où tu vas Violette ?
-Aux toilettes et ensuite me payer un café...
-Et ta valise ?
- Ben je l'ai confié au Monsieur qui était assis près de moi....
-Mais Violette tu ne peux pas laisser ta valise comme ça à n'importe qui..

Mon tel était resté décroché...Mme Vertèbre a tout entendu...

- Bon Martin...j'arrive, je reste en communication avec Violette..Il me faut un peu plus d'un quart d'heure pour me rendre à la gare..Vous pouvez rentrer je prends le relais...


Je prends ensuite congé de Violette et me dirige vers le foyer pour y noter une synthèse de la situation sur le cahier de transmission...
Finalement Violette a bien pris son train avec plus de deux heures de retard, raté son avion et est revenue au foyer...
Pas de Grèce pour Violette cette année..
Nous devrons trouver un autre séjour de vacances adaptées.
Ce sera la visite des Chateaux de la Loire pour une semaine..

Madame Vertèbre confiera à une collègue :

-Je ne savais pas que Violette était aussi confuse, éparpillée et épuisante...
Des mois et des semaines que nous lui disions...

Les collègues de jours sont eux aussi surchargés de travail...épuisés, pressurisés et s'ils se révoltent ou baissent les bras la machine à faire le nettoyage se met en branle.

 La plupart de ceux qui sont  au bout du rouleau, en état de souffrance au travail finissent sur "la charette".
Les fosses sont pleines des cadavres du social.
Jetés comme des kleenex ils seront aussitôt remplacés par de la "chair fraiche" qui sera ensuite "dégustée" à la même sauce...
La machine néo-libérale  à broyer les travailleurs n'a aucune limite....
Quand je vous dis que nous sommes de vrais forçats de nuit ...ce n'est vraiment  pas une blague... 


podcast

vendredi 28 mars 2014

Petit soleil de nuit



Il semble que cette pluie qui nous dégouline dessus ne cessera jamais.
Comme si des larmes d'angoisse et de détresse nous retombaient dessus en de multiples gouttes pénétrantes et envahissantes qui liquéfieraient toute notre personne

Encore un qui part : cinq cas de souffrance au travail en un an.
La violence institutionnelle et conjoncturelle globale a  raison de tous.

Les linceuls et les funérailles un peu partout ne se comptent plus... que de dégâts.

Ces jeunes ou moins jeunes de passage totalement dégoûtés par la violence, l'injustice et l'incompréhension qui partent voir ailleurs si les cieux leur sont plus cléments.

Toute cette détresse qui nous entoure et qu'il faut chaque jour accompagner me trempe jusqu'aux os.

Chaque journée, chaque nuit il nous faut continuer à jouer le rôle du clown blanc, celui qui remet sur le droit chemin, doit dominer celui qui s'écarte, rappelle à la loi, réprime toute infraction à la norme.

Je n'ai plus envie ce soir d'être ce triste clown submergé par l'angoisse et la détresse des personnes que nous accompagnons.

Les forces ne me font pas défaut, bien au contraire.

Une énergie folle, indomptable s'est soudain emparée de moi.

Je suis l'Auguste énorme qui déclenche les rires... renvoie notre image , désopilante, grotesque, Gargantuesque..

Le poids des ans a disparu, envolé je ne sais où.

J'ai tous les âges, depuis l'enfant jusqu'au vieillard...
Je voyage en Espagne , en Italie, au Portugal, en Afrique, je fais le tour de la terre.

Le clown nous emmène tous dans un drôle de voyage.

Je deviens karatéka, chanteur à la mode, de rock, de yéyé...

La conchita qui ne supporte plus de faire le ménage et d'avoir les mains dans le cambouis de la détresse humaine. Etc etc...

Je suis devenu chacun d'eux et même plus. 

L'Auguste se moque de tous, de moi, du rôle qu'on me fait jouer, de celui qu'on veut leur faire jouer...je deviens énorme, incroyable.


Et eux ils sont là ébahis qui n'en reviennent pas me regardant m'amuser....

Ils rient comme ce n'est pas possible, même Vincent qui tremble de tout son corps quand ses angoisses s'emparent de lui.

Là il est heureux.... lui non plus n'en revient pas.

Son rire passe au dessus de ma voix, il semble qu'il ne va jamais s'arrêter.

Monique aussi est pliée en deux.

Le grand Charles lui est au cirque, il a oublié sa colère, oublié qu'il n'arrive pas à gérer ses frustrations .

Les autres aussi assistent hilares au spectacle unique improvisé presque malgré moi et rien que pour eux.

Le temps semble suspendu à mes pitreries, je suis devenu  plus fou qu'eux
 

Je continue longtemps...longtemps...

J'ai l'impression de décoller, de voler dans la pièce...
Lorsque je m'arrête, je vois toutes ces mines détendues qui me regardent les yeux écarquillés, un large sourire aux lèvres.

Comme je me sens bien....et eux aussi.
 Finalement c'est tout ce qui compte...

Après...eh bien... tout le monde part dormir...détendu... et moi...

Je suis redevenu le forçat de nuit, mon service nocturne vient à peine de commencer...
Maintenant j'ai un paquet de tâches quotidiennes à me « farcir » 

Je suis dans un état de vigilance  totale pour assurer le repos de tout ces corps endormis dans leur chambre, derrière la porte qui donne sur le grand couloir.

Une folle énergie totalement indispensable m'avait envahi  ce début de soirée, presque malgré moi
Sans doute  pour tenir le coup.

Ensuite détendu presque reposante la nuit passe.

Après avoir fait les transmissions orales auprès du collègue de jour, je rentre chez moi, me couche presque aussitôt et m'endors profondément en attendant la prochaine nuit.


Le sommeil est en train de réparer ma vieille carcasse fatiguée...
à tout à l'heure les Bisounours, je reviens presque tout de suite...