samedi 29 mars 2014

...De la Grèce aux Chateaux de la Loire.....Les vacances de Violette



- Allo Martin ?

- Oui !

- C'est Dominique Vertèbre...bonsoir Martin !

- Bonsoir Madame la Directrice !


- Je vous appelle, rapport au départ en vacances de Violette. J'ai vu que vous refusez de l'emmener à la gare après votre service  Dimanche matin...et puis votre mail disant que vous refusiez sans explication ne m'a pas plus du tout.

- Ce n'est pas moi qui vous ai envoyé ce mail c'est Sidonie...c'est vrai qu'elle n'a donné aucune précision et qu'elle a été un peu sèche. Je lui ai dit que je n'étais pas d'accord car cela ne me paraît absolument pas prudent d'emmener Violette à la gare après une veille de dix heures en pleine période de départ en vacances..

Je vous rappelle que je reprends juste après mes congés annuels et vous connaissez la pénibilité de notre travail de surveillant de nuit pour avoir passé vous-même une nuit au foyer  en remplacement exceptionnel.

 D'autre part Violette est très fatigante qui plus est quand elle est angoissée. Elle est confuse éparpillée totalement imprévisible et instable.... Non cela ne me paraît absolument pas raisonnable. Vous n'avez pas un cadre d'astreinte ou non à proximité du foyer susceptible de l'emmener ?


-Non absolument pas et c'est moi qui suis d'astreinte ce Dimanche. (elle crie dans le téléphone)Je ne sais pas si vous vous rendez compte ..Regardez René qui s'échine à organiser un barbecue Dimanche...et vous...


 - Enfin Mme Vertèbre, je ne vois pas bien le rapport entre le barbecue de René dimanche après midi et   la dangerosité d'aller emmener à la gare avec le fourgon une personne comme Violette suite à une nuit de veille. Et puis ce sont des heures supplémentaires qui ne seront pas payées .

- Mais bien sûr qu'elles seront payées.

-Oui mais pas en heures supplémentaires...Je trouve que vous abusez un peu pour le salaire que nous avons. Mille deux cent euros par mois, mille quatre cent quand nous avons travaillé trois dimanche dans le mois avec des nuit de veille de dix heures. Sans majoration pour les heures supplémentaires  que vous nous faites faire.

Elle élude ce dernier point.

-Je vous trouve beaucoup dans la revendication Martin !


Soudain allez savoir pourquoi , il me vient l'envie d'éclater de rire.

-Absolument pas Madame Vertèbre...mais je vous le dis ce n'est vraiment pas prudent après une nuit de veille...Mais je vais l'emmener Violette...comme vous le vouliez...vous me connaissez depuis le temps...

Le dimanche arrive et c'est l'heure de partir.
Violette est prête  mais comme je l'avais prévu elle est totalement chaotique, éparpillée, confuse.
Elle fait de nombreux aller retour entre le bureau et sa chambre.

Elle aussi  abuse ...elle me demande maintenant de mettre sa valise dans le fourgon !

-Dis donc Violette tu exagères.... mets la toi même...

Elle s'exécute.
Je démarre le fourgon et nous partons...
Les autres au foyer restent seuls car l'organisation est vraiment  « au top ce Week End »...le professionnel qui doit me relayer n'arrive qu'à  huit heures...et il est six heures trente....


- Ah ben moi je ne serai pas passé par là... c'est plus long !

-Là Violette tu « me pompes l'air » je passe par où je veux c'est moi qui conduit...

- Ben moi je te dis ça....


Nous arrivons très rapidement à la gare...
Violette veut  sortir du camion et foncer vers le hall de la gare :

-Si ça ne te gène pas je te laisse...une minute je vais voir si mon train est affiché...

- Et ta valise, qui va la sortir ?

- (elle rit) ..Ben toi évidemment !

- Pas question... tu ne descends pas ...je me gare,  tu sorts ta « valoche » et nous irons ensemble ensuite voir l'affichage dans le hall.

Elle ne dit rien et attends boudeuse, impatiente...
Nous allons ensuite  dans le hall regarder si le train de Violette est affiché.


-J'ai envie d'un café...tu m'en offres un ?

Pour qu'elle se calme, je lui donne une pièce, elle va prendre son café au distributeur.
Pendant ce temps je regarde le panneau où sont affichés les départs..
Celui de Violette est annoncé avec plus d'une heure de retard..

Je suis un peu perplexe car Violette doit être prise en charge à son arrivée dans la capitale par un animateur de l'organisme de vacances.
Il doit la conduire ensuite vers l'aéroport qui l'emmènera vers son séjour en Grèce.
Ils attendent habituellement au maximum un quart d'heure car l'avion décolle à l'heure lui...et tant pis pour les retardataires....

J'essaie avec mon tel portable de joindre l'organisme de vacances...pas de réponse juste un répondeur...j'y laisse un message.
Violette revient son gobelet de café à la main.

Elle pose son café par terre...

- Qu'est-ce que tu fais Violette ?...



- Ben quoi je pose mon café pour me griller un clope.

- Non il faut qu'on sorte du hall c'est interdit de fumer ici.

Elle ramasse son café et nous sortons....
Je continue avec mon tel à essayer de joindre l'organisme de vacances...

Violette pose à nouveau son café par terre...
-Violette ce n'est pas prudent et pas très hygiénique de poser ton gobelet sur le sol et puis..

Je n'ai pas terminé ma phrase qu'un voyageur pressé « shootte » dans le gobelet renversant son contenu sur le sol.
Cela n'incommode pas trop Violette qui vient de sortir elle aussi son tel portable pour regarder ses messages.
La machine à angoisser Violette est en route quand je lui apprends que son train va avoir  du retard.
Elle veut aller voir au guichet pour interroger  l'employé..

Il y a une longue file qui attends et pas question qu'elle aille  là-bas.
-Non Violette allons sur le quai où doit arriver ton train...
-Mais ça ne sert à rien puisqu'il va avoir du retard..il n'y aura pas de train sur ton quai puisqu'il n'est pas arrivé.
- Si Violette ...généralement ils laissent des voitures pour que les voyageurs qui ont réservé puissent s'installer en attendant le départ.. et nous y trouverons certainement le chef de gare qui pourra nous donner des précisions..

Elle accepte ...composte son billet puis  nous nous dirigeons vers le quai....
Violette semble amusée de la situation mais n'en demeure pas moins inquiète...elle affiche un large sourire...parle à tout le monde, raconte le retard du train aux personnes qu'elle rencontre...

Là je ressens comme une grande  fatigue...pas question d'attendre que le train parte.
Si sa voiture est sur le quai, je l'installe à sa place numérotée et je rentre chez moi...
Oui mais il va falloir si ça se prolonge que je prévienne la cadre d'astreinte...

Effectivement la voiture en question est sur le quai...
Alors que Violette s'installe à sa place, un chef de quai demande à tous les voyageurs de descendre car maintenant il est prévu plus de deux heures de retard.

Violette fonce interroger le chef de train....puis des voyageurs...à qui elle raconte sa vie...
Elle m'épuise.
Je lui dis qu'il faut  aller à la salle d'attente...
J'appelle la cadre d'astreinte...
Pendant que  je téléphone à Mme Vertèbre, Violette m'a faussé compagnie, s'est installé près d'un voyageur avec qui elle entame la conversation...puis se lève de son siège et va pour partir....
-Où tu vas Violette ?
-Aux toilettes et ensuite me payer un café...
-Et ta valise ?
- Ben je l'ai confié au Monsieur qui était assis près de moi....
-Mais Violette tu ne peux pas laisser ta valise comme ça à n'importe qui..

Mon tel était resté décroché...Mme Vertèbre a tout entendu...

- Bon Martin...j'arrive, je reste en communication avec Violette..Il me faut un peu plus d'un quart d'heure pour me rendre à la gare..Vous pouvez rentrer je prends le relais...


Je prends ensuite congé de Violette et me dirige vers le foyer pour y noter une synthèse de la situation sur le cahier de transmission...
Finalement Violette a bien pris son train avec plus de deux heures de retard, raté son avion et est revenue au foyer...
Pas de Grèce pour Violette cette année..
Nous devrons trouver un autre séjour de vacances adaptées.
Ce sera la visite des Chateaux de la Loire pour une semaine..

Madame Vertèbre confiera à une collègue :

-Je ne savais pas que Violette était aussi confuse, éparpillée et épuisante...
Des mois et des semaines que nous lui disions...

Les collègues de jours sont eux aussi surchargés de travail...épuisés, pressurisés et s'ils se révoltent ou baissent les bras la machine à faire le nettoyage se met en branle.

 La plupart de ceux qui sont  au bout du rouleau, en état de souffrance au travail finissent sur "la charette".
Les fosses sont pleines des cadavres du social.
Jetés comme des kleenex ils seront aussitôt remplacés par de la "chair fraiche" qui sera ensuite "dégustée" à la même sauce...
La machine néo-libérale  à broyer les travailleurs n'a aucune limite....
Quand je vous dis que nous sommes de vrais forçats de nuit ...ce n'est vraiment  pas une blague... 


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