samedi 29 mars 2014

...De la Grèce aux Chateaux de la Loire.....Les vacances de Violette



- Allo Martin ?

- Oui !

- C'est Dominique Vertèbre...bonsoir Martin !

- Bonsoir Madame la Directrice !


- Je vous appelle, rapport au départ en vacances de Violette. J'ai vu que vous refusez de l'emmener à la gare après votre service  Dimanche matin...et puis votre mail disant que vous refusiez sans explication ne m'a pas plus du tout.

- Ce n'est pas moi qui vous ai envoyé ce mail c'est Sidonie...c'est vrai qu'elle n'a donné aucune précision et qu'elle a été un peu sèche. Je lui ai dit que je n'étais pas d'accord car cela ne me paraît absolument pas prudent d'emmener Violette à la gare après une veille de dix heures en pleine période de départ en vacances..

Je vous rappelle que je reprends juste après mes congés annuels et vous connaissez la pénibilité de notre travail de surveillant de nuit pour avoir passé vous-même une nuit au foyer  en remplacement exceptionnel.

 D'autre part Violette est très fatigante qui plus est quand elle est angoissée. Elle est confuse éparpillée totalement imprévisible et instable.... Non cela ne me paraît absolument pas raisonnable. Vous n'avez pas un cadre d'astreinte ou non à proximité du foyer susceptible de l'emmener ?


-Non absolument pas et c'est moi qui suis d'astreinte ce Dimanche. (elle crie dans le téléphone)Je ne sais pas si vous vous rendez compte ..Regardez René qui s'échine à organiser un barbecue Dimanche...et vous...


 - Enfin Mme Vertèbre, je ne vois pas bien le rapport entre le barbecue de René dimanche après midi et   la dangerosité d'aller emmener à la gare avec le fourgon une personne comme Violette suite à une nuit de veille. Et puis ce sont des heures supplémentaires qui ne seront pas payées .

- Mais bien sûr qu'elles seront payées.

-Oui mais pas en heures supplémentaires...Je trouve que vous abusez un peu pour le salaire que nous avons. Mille deux cent euros par mois, mille quatre cent quand nous avons travaillé trois dimanche dans le mois avec des nuit de veille de dix heures. Sans majoration pour les heures supplémentaires  que vous nous faites faire.

Elle élude ce dernier point.

-Je vous trouve beaucoup dans la revendication Martin !


Soudain allez savoir pourquoi , il me vient l'envie d'éclater de rire.

-Absolument pas Madame Vertèbre...mais je vous le dis ce n'est vraiment pas prudent après une nuit de veille...Mais je vais l'emmener Violette...comme vous le vouliez...vous me connaissez depuis le temps...

Le dimanche arrive et c'est l'heure de partir.
Violette est prête  mais comme je l'avais prévu elle est totalement chaotique, éparpillée, confuse.
Elle fait de nombreux aller retour entre le bureau et sa chambre.

Elle aussi  abuse ...elle me demande maintenant de mettre sa valise dans le fourgon !

-Dis donc Violette tu exagères.... mets la toi même...

Elle s'exécute.
Je démarre le fourgon et nous partons...
Les autres au foyer restent seuls car l'organisation est vraiment  « au top ce Week End »...le professionnel qui doit me relayer n'arrive qu'à  huit heures...et il est six heures trente....


- Ah ben moi je ne serai pas passé par là... c'est plus long !

-Là Violette tu « me pompes l'air » je passe par où je veux c'est moi qui conduit...

- Ben moi je te dis ça....


Nous arrivons très rapidement à la gare...
Violette veut  sortir du camion et foncer vers le hall de la gare :

-Si ça ne te gène pas je te laisse...une minute je vais voir si mon train est affiché...

- Et ta valise, qui va la sortir ?

- (elle rit) ..Ben toi évidemment !

- Pas question... tu ne descends pas ...je me gare,  tu sorts ta « valoche » et nous irons ensemble ensuite voir l'affichage dans le hall.

Elle ne dit rien et attends boudeuse, impatiente...
Nous allons ensuite  dans le hall regarder si le train de Violette est affiché.


-J'ai envie d'un café...tu m'en offres un ?

Pour qu'elle se calme, je lui donne une pièce, elle va prendre son café au distributeur.
Pendant ce temps je regarde le panneau où sont affichés les départs..
Celui de Violette est annoncé avec plus d'une heure de retard..

Je suis un peu perplexe car Violette doit être prise en charge à son arrivée dans la capitale par un animateur de l'organisme de vacances.
Il doit la conduire ensuite vers l'aéroport qui l'emmènera vers son séjour en Grèce.
Ils attendent habituellement au maximum un quart d'heure car l'avion décolle à l'heure lui...et tant pis pour les retardataires....

J'essaie avec mon tel portable de joindre l'organisme de vacances...pas de réponse juste un répondeur...j'y laisse un message.
Violette revient son gobelet de café à la main.

Elle pose son café par terre...

- Qu'est-ce que tu fais Violette ?...



- Ben quoi je pose mon café pour me griller un clope.

- Non il faut qu'on sorte du hall c'est interdit de fumer ici.

Elle ramasse son café et nous sortons....
Je continue avec mon tel à essayer de joindre l'organisme de vacances...

Violette pose à nouveau son café par terre...
-Violette ce n'est pas prudent et pas très hygiénique de poser ton gobelet sur le sol et puis..

Je n'ai pas terminé ma phrase qu'un voyageur pressé « shootte » dans le gobelet renversant son contenu sur le sol.
Cela n'incommode pas trop Violette qui vient de sortir elle aussi son tel portable pour regarder ses messages.
La machine à angoisser Violette est en route quand je lui apprends que son train va avoir  du retard.
Elle veut aller voir au guichet pour interroger  l'employé..

Il y a une longue file qui attends et pas question qu'elle aille  là-bas.
-Non Violette allons sur le quai où doit arriver ton train...
-Mais ça ne sert à rien puisqu'il va avoir du retard..il n'y aura pas de train sur ton quai puisqu'il n'est pas arrivé.
- Si Violette ...généralement ils laissent des voitures pour que les voyageurs qui ont réservé puissent s'installer en attendant le départ.. et nous y trouverons certainement le chef de gare qui pourra nous donner des précisions..

Elle accepte ...composte son billet puis  nous nous dirigeons vers le quai....
Violette semble amusée de la situation mais n'en demeure pas moins inquiète...elle affiche un large sourire...parle à tout le monde, raconte le retard du train aux personnes qu'elle rencontre...

Là je ressens comme une grande  fatigue...pas question d'attendre que le train parte.
Si sa voiture est sur le quai, je l'installe à sa place numérotée et je rentre chez moi...
Oui mais il va falloir si ça se prolonge que je prévienne la cadre d'astreinte...

Effectivement la voiture en question est sur le quai...
Alors que Violette s'installe à sa place, un chef de quai demande à tous les voyageurs de descendre car maintenant il est prévu plus de deux heures de retard.

Violette fonce interroger le chef de train....puis des voyageurs...à qui elle raconte sa vie...
Elle m'épuise.
Je lui dis qu'il faut  aller à la salle d'attente...
J'appelle la cadre d'astreinte...
Pendant que  je téléphone à Mme Vertèbre, Violette m'a faussé compagnie, s'est installé près d'un voyageur avec qui elle entame la conversation...puis se lève de son siège et va pour partir....
-Où tu vas Violette ?
-Aux toilettes et ensuite me payer un café...
-Et ta valise ?
- Ben je l'ai confié au Monsieur qui était assis près de moi....
-Mais Violette tu ne peux pas laisser ta valise comme ça à n'importe qui..

Mon tel était resté décroché...Mme Vertèbre a tout entendu...

- Bon Martin...j'arrive, je reste en communication avec Violette..Il me faut un peu plus d'un quart d'heure pour me rendre à la gare..Vous pouvez rentrer je prends le relais...


Je prends ensuite congé de Violette et me dirige vers le foyer pour y noter une synthèse de la situation sur le cahier de transmission...
Finalement Violette a bien pris son train avec plus de deux heures de retard, raté son avion et est revenue au foyer...
Pas de Grèce pour Violette cette année..
Nous devrons trouver un autre séjour de vacances adaptées.
Ce sera la visite des Chateaux de la Loire pour une semaine..

Madame Vertèbre confiera à une collègue :

-Je ne savais pas que Violette était aussi confuse, éparpillée et épuisante...
Des mois et des semaines que nous lui disions...

Les collègues de jours sont eux aussi surchargés de travail...épuisés, pressurisés et s'ils se révoltent ou baissent les bras la machine à faire le nettoyage se met en branle.

 La plupart de ceux qui sont  au bout du rouleau, en état de souffrance au travail finissent sur "la charette".
Les fosses sont pleines des cadavres du social.
Jetés comme des kleenex ils seront aussitôt remplacés par de la "chair fraiche" qui sera ensuite "dégustée" à la même sauce...
La machine néo-libérale  à broyer les travailleurs n'a aucune limite....
Quand je vous dis que nous sommes de vrais forçats de nuit ...ce n'est vraiment  pas une blague... 


podcast

vendredi 28 mars 2014

Petit soleil de nuit



Il semble que cette pluie qui nous dégouline dessus ne cessera jamais.
Comme si des larmes d'angoisse et de détresse nous retombaient dessus en de multiples gouttes pénétrantes et envahissantes qui liquéfieraient toute notre personne

Encore un qui part : cinq cas de souffrance au travail en un an.
La violence institutionnelle et conjoncturelle globale a  raison de tous.

Les linceuls et les funérailles un peu partout ne se comptent plus... que de dégâts.

Ces jeunes ou moins jeunes de passage totalement dégoûtés par la violence, l'injustice et l'incompréhension qui partent voir ailleurs si les cieux leur sont plus cléments.

Toute cette détresse qui nous entoure et qu'il faut chaque jour accompagner me trempe jusqu'aux os.

Chaque journée, chaque nuit il nous faut continuer à jouer le rôle du clown blanc, celui qui remet sur le droit chemin, doit dominer celui qui s'écarte, rappelle à la loi, réprime toute infraction à la norme.

Je n'ai plus envie ce soir d'être ce triste clown submergé par l'angoisse et la détresse des personnes que nous accompagnons.

Les forces ne me font pas défaut, bien au contraire.

Une énergie folle, indomptable s'est soudain emparée de moi.

Je suis l'Auguste énorme qui déclenche les rires... renvoie notre image , désopilante, grotesque, Gargantuesque..

Le poids des ans a disparu, envolé je ne sais où.

J'ai tous les âges, depuis l'enfant jusqu'au vieillard...
Je voyage en Espagne , en Italie, au Portugal, en Afrique, je fais le tour de la terre.

Le clown nous emmène tous dans un drôle de voyage.

Je deviens karatéka, chanteur à la mode, de rock, de yéyé...

La conchita qui ne supporte plus de faire le ménage et d'avoir les mains dans le cambouis de la détresse humaine. Etc etc...

Je suis devenu chacun d'eux et même plus. 

L'Auguste se moque de tous, de moi, du rôle qu'on me fait jouer, de celui qu'on veut leur faire jouer...je deviens énorme, incroyable.


Et eux ils sont là ébahis qui n'en reviennent pas me regardant m'amuser....

Ils rient comme ce n'est pas possible, même Vincent qui tremble de tout son corps quand ses angoisses s'emparent de lui.

Là il est heureux.... lui non plus n'en revient pas.

Son rire passe au dessus de ma voix, il semble qu'il ne va jamais s'arrêter.

Monique aussi est pliée en deux.

Le grand Charles lui est au cirque, il a oublié sa colère, oublié qu'il n'arrive pas à gérer ses frustrations .

Les autres aussi assistent hilares au spectacle unique improvisé presque malgré moi et rien que pour eux.

Le temps semble suspendu à mes pitreries, je suis devenu  plus fou qu'eux
 

Je continue longtemps...longtemps...

J'ai l'impression de décoller, de voler dans la pièce...
Lorsque je m'arrête, je vois toutes ces mines détendues qui me regardent les yeux écarquillés, un large sourire aux lèvres.

Comme je me sens bien....et eux aussi.
 Finalement c'est tout ce qui compte...

Après...eh bien... tout le monde part dormir...détendu... et moi...

Je suis redevenu le forçat de nuit, mon service nocturne vient à peine de commencer...
Maintenant j'ai un paquet de tâches quotidiennes à me « farcir » 

Je suis dans un état de vigilance  totale pour assurer le repos de tout ces corps endormis dans leur chambre, derrière la porte qui donne sur le grand couloir.

Une folle énergie totalement indispensable m'avait envahi  ce début de soirée, presque malgré moi
Sans doute  pour tenir le coup.

Ensuite détendu presque reposante la nuit passe.

Après avoir fait les transmissions orales auprès du collègue de jour, je rentre chez moi, me couche presque aussitôt et m'endors profondément en attendant la prochaine nuit.


Le sommeil est en train de réparer ma vieille carcasse fatiguée...
à tout à l'heure les Bisounours, je reviens presque tout de suite...


mardi 25 mars 2014

Moi aussi je suis un "bisounours"......



...Il fait beau et j'arrive juste pour prendre mon service.
Tout le monde est sur la terrasse.
Babette est en accueil temporaire et vient juste d'arriver au foyer.
Après avoir eu dans sa tendre jeunesse un lymphome au niveau du cerveau, elle a dû abandonner ses études et s'est retrouvée dans le circuit des majeurs "protégés".
 Pour faire vite dans le  domaine médical souvent on appelle ça un trauma crânien.
Les psy disent qu'après ce genre d'incident la libido est exacerbée et que les barrières sociales qui nous maintiennent plus ou moins inhibés par rapport à certaines pulsions tombent.

Les résidents et Agathe sont assis autour de la table.
Agathe a été recrutée comme éducatrice dans l'équipe et s'est aussitôt investie comme coordinatrice.
Il y a une ambiance bizarre sur cette terrasse.
Il règne  comme une atmosphère de malaise général exceptée Agathe qui garde le sourire et reste plutôt détendue.
Tous font  "la tronche" ou presque...
Jojo est en train d'essayer de se frayer un chemin avec sa main vers le sexe de Babette qui s'efforce de serrer les cuisses pour l'en empêcher.
Du coup eh bien moi aussi je me sens très mal à l'aise.
Je regarde Agathe qui ne bronche pas mais qui sourit, semblant se "régaler" de  la situation.
Pour moi comme pour les résidents c'est  insupportable.
Je les  regarde les uns après les autres et très rapidement  j'interviens, conscient que je suis en train d'assister à une tentative de viol et  je ne peux pas rester indifférent même si comme on me l'a dit je ne dois pas interférer dans le travail des éducs.

Très calmement je demande à Jojo de cesser, lui expliquant que ce qu'il fait n'est absolument pas possible qu'il n'a absolument pas le droit de se comporter ainsi.
Pas vraiment décidé à "lâcher" l'affaire notre (vilain) Jojo  ne consent pas à retirer sa main dans un premier temps.
Puis devant mon insistance il finit par obtempérer...
Agathe n'a toujours pas bronché elle semble avoir passé un bon moment malgré le malaise ambiant.
Nous irons ensuite Agathe et moi dans le bureau faire nos transmissions orales.
Je ne peux m'empêcher de lui demander pourquoi elle n'était pas intervenue dans la situation que nous venions tous de vivre?
Agathe: Je voulais voir jusqu'où Jojo allait aller.

Si notre "super-éducatrice" avait anticipé préventivement sur ce qui pouvait ensuite se passer  elle pouvait éviter une réaction collective.
 En intervenant elle pouvait empêcher un règlement de compte contre  Jojo ...
Je compris  plus tard qu'elle en était tout à fait consciente et qu'elle avait anticipé pour que se produise ..une sorte de lynchage ...
"Quand on laisse faire Jojo tout le groupe lui tombe dessus ensuite"...m'avouera Agathe..
Elle était donc consciente qu'en n'agissant pas il  faudrait plus tard faire face à des violences entre les personnes...
Voulait-elle que ma nuit soit agitée?
Dans ce cas..."mauvaise pioche"".... car cette nuit là fut tout à fait calme.
C'est ma collègue qui faisait la nuit suivante quand le règlement de compte eut lieu.

Un conflit ça s'anticipe...
Nous ne sommes pas employés pour satisfaire notre égo et manipuler les personnes dans de sombres desseins mais pour nous mettre au service des personnes... pour leur permettre d'accéder à un mieux être ...
Quand on parle de "toute puissance" chez les  personnes accueillies, celle de certains encadrants est parfois beaucoup plus perverse...

.La vie....quoi ... chez les "Bisounours"....d'ailleurs moi aussi j'en suis un ....toujours du côté des plus faibles...
.



vendredi 21 mars 2014

Court circuit et glissement de poste




Tous les habitants du foyer sont couchés, il est un peu plus de  deux heures du "mat"... Mis à part Olivier qui ne dort pas la nuit et que je vois régulièrement déambuler pour aller fumer son "clope" toutes les deux heures (entre deux films visionnés sur sa télé ou 2 jeux vidéos), pas âme qui vive, mis à part moi qui "turbine".
Là je suis dans la cuisine... Au programme: nettoyage des plans de travail, vidage du lave vaisselle, rangement de la vaisselle, tri, rangement  dans le frigo , vidage des poubelles, changement des torchons et essuies mains, nettoyage des sols des parties communes, balayage plus lavage etc etc...

 Au début nous n'avions que la cuisine et le séjour salle à manger à nettoyer, maintenant on nous demande pratiquement de faire le boulot de l'agent d'entretien qui ne vient que deux fois par semaine.
Du coup  l'agent va chez les résidents et fait leur ménage (comme à l'hôtel)...alors que la logique pédagogique la plus adaptée voudrait que ce soient les collègues de jour de l'équipe éducative qui s'en chargent avec les résidents sous forme d'accompagnement  avec l'objectif de leur  permettre une meilleure autonomie...
Mais non....c'est ainsi...
Dernièrement la chef de service nous a mis un mot dans notre cahier de liaison, nous reprochant vertement que les parties communes n'étaient pas entretenues...particulièrement le bureau et la salle de réunion.
Qui a dit que le productivisme ça n'existait pas dans le social?

Là c'était le "pompon"...j'ai répondu très sèchement à cet ordre complètement "déplacé"...
Nous allons bel et bien vers un glissement de poste si nous ne réagissons pas.

Le problème c'est que d'une part nous ne sommes absolument pas formés pour
l'entretien des locaux (notre fonction est essentiellement relationnelle en continuité avec les mêmes objectifs éducatifs que l'équipe de jour , continuité du projet éducatif individuel,, sécurité des personnes, écoute, accompagnement nocturne: calmer les angoisses, maitrise et résolution de situation de crises, soulagement des malaises, soins de première nécessité avec mission de prévenir l'astreinte ou les services d'urgence en cas de besoin, absences des résidents anormale, intervention lors de mise en danger des résidents de leur fait ou  d'un élément extérieur, garantir la sécurité et la tranquillité du sommeil des personnes...etc etc)..
Cela peut paraître paradoxal mais nous ne sommes pas répertoriés comme personnel éducatif mais faisant partie des "service généraux".
 ...Nous ne sommes pas des agents d'entretien, en aucun cas... même s'il est indiqué dans nos contrats que nous avons quelques tâches d'entretien à accomplir en complément de notre "veille" (Quelques tâches (non définies) ça ne veut pas dire faire totalement autre chose  que ce pour lequel nous avons été formés et recrutés)

 D'autre part il avait été convenu dans de précédentes réunions que le bureau et la salle de réunion, essentiellement utilisés par l'équipe de jour, seraient nettoyés par ces derniers ou l'agent d'entretien...

Pour l'instant j'en suis à ranger la vaisselle et sous mon nez se dégage une forte odeur de "cramé"...

En baissant la tête je vois de la fumée qui s'échappe de la cafetière.
 L'interrupteur est pourtant éteint...
...???...
Je débranche aussitôt la prise électrique et observe "l'engin": le socle est plein d'un liquide noirâtre nauséabond, des restes de café stockés apparemment dans les parties électriques  de la machine...

Super!

Illico je la nettoie et refusant de prendre des risques de court circuit, je la remise dans la réserve...

 Ce matin résidents et éducs auront du café soluble au petit déj.

La fin de la nuit se déroule sans incident majeur.
J'ai encore une nuit à faire et ainsi après une journée de sommeil (eh oui.. nous dormons la journée!), je reprends mon service...
Quelle stupéfaction lorsque je vois en début de soirée la cafetière à nouveau réapparue à sa place habituelle dans la cuisine..pas un mot pas d'échange sur le sujet...ni avertissement en direction des résidents sur le risque de court circuit s'ils renversent de l'eau ou du café sur les parties électriques
Sympa!

Elle fonctionne cette cafetière parce que je l'avais nettoyée et mise à sécher dans la réserve et qu'elle  est restée inutilisée pendant assez longtemps pour ne plus occasionner de danger...


Pour conclure positivement: une des éducatrices à mis à l'ordre du jour de la prochaine réunion: "les risques  à mettre trop d'eau ou de café dans la machine "....

vendredi 14 mars 2014

Bonne route Jojo






Jojo arrive sur le collectif il est  complètement "pété"...on ne pige pas un traitre mot de ce qu'il essaie de dire..
- Jojo tu ne peux pas venir sur le collectif là... tu le sais
- GMooooiiiiipeeeeeepllluuuuuuuugmphhhhhhtaaaaggguuuueuuu

La consigne quand il est comme ça c'est qu'il reste chez lui.
Il possède un petit appartement tout prêt du foyer...
Jojo est plutôt porté sur le sexe et parfois ça dérape... Son principal problème c'est l'alcool qui très rapidement le rend totalement dyslexique et violent lorsqu'il est en état d'ébriété avancée..
On ne comprend vraiment pas un mot de ce qu'il essaie de bredouiller...

Abandonné plus ou moins par sa famille, Jojo s'était retrouvé à la rue dès l'adolescence...
Pas vraiment de maladie mentale chez lui mais une forte déficience intellectuelle disaient les psy....
C'est la classification actuelle: "déficient intellectuel" ..
Autrefois on les nommait "débiles"...
Il y avait trois catégories: débiles légers, moyens et profonds...
Ah on ne prenait pas de gants à l'époque!
Déficient ça fait plus joli...non,vous ne trouvez pas?
Il y a apparemment moins de mépris dans la formulation...c'est plus vague...plus compatissant...

Mais les regards et comportements à leur égard eux n'ont pas beaucoup changé.
Ils sont bien souvent méprisants, "infantilisants", condescendants, ironiques, hypocrites.....

Jojo a un savoir faire tout particulier pour embobiner son entourage, pour arriver à ses fins, tester les intervenants et déjouer les  stratégies éducatives qui lui déplaisent ...

Il sait se rendre filou quand il le veut..
Il en a vu de rudes  le Jojo dans la rue, abandonné à lui même en pleine adolescence puis arrêté  et placé il fut trimballé de foyers en foyers, il a exercé des tas de boulots plus ou moins pénibles...

Eh oui c'est tellement facile de leur donner des travaux que personne d'autre ne veut faire...

Pour Jojo...pas de problème c'est un "dur à cuire" et la valeur travail n'est pas pour lui un vain mot...

Même les lendemains de "cuite" mémorables,  il allait travailler.

Il a même réussi à fonder un foyer et eut un enfant mais le couple n'a pas tenu car lorsqu'il était ivre Jojo se montrait parfois violent....
L'enfant fut retiré et placé lui aussi.
L'ex-épouse de Jojo vivait également en "milieu protégé" ...
J'ai commencé cette note au présent maintenant j'en parle au passé..
C'est parce qu'il est parti "l'affreux" Jojo finit le boulot qui abruti...pour lui maintenant c'est grandes vacances tous les jours...vive la retraite... mais pour combien de temps , la vie l'a tellement abimé
J'avoue avoir tissé avec lui au fil du temps des liens (professionnels et humains) intéressants car Jojo  finalement est attachant et sympa malgré ses travers parfois envahissants

....
Maintenant Jojo est en famille d'accueil et nous n'avons pas eu de nouvelles depuis un bon moment.
Que de moments de franche rigolade nous avons eu, de vraies et sincères discussions ...

Un jour...c'était au tout début de l'ouverture du foyer, il était environ six heures et les résidents prenaient leur petit déj.  entre eux tranquillement dans la cuisine...Jojo arriva dans le bureau où j'étais en train d'appeler une autre personne au tel pour la réveiller...

- Il y a Lionel qui vient d'envoyer et de cracher du café sur tout le monde...c'est dégueulasse...il en a foutu partout!

Effectivement Lionel avait recraché tout le café qu'il avait dans la bouche et inondé la table de café...

J'avais bien vu l'oeil de Jojo qui "frisait " mais je n'en tirai pour le moment aucune conclusion..il fallait gérer la situation...ce que je fis.

La même chose se reproduisit plusieurs autres matins dans les mêmes circonstances ou presque...

En fait c'était juste Jojo qui, pour s'amuser, faisait volontairement rire Lionel pour le faire cracher ce qu'il avait dans la bouche...
Déficient intellectuel peut-être mais pas si stupide que ça ...Jojo et bien d'autres sont capables de construction mentale, voire de ""magouilles" parfois....

Je vous ai dit que le problème principal pour Jojo c'était son addiction à l'alcool.

Il envisagea un sevrage...soutenu par l'équipe et son médecin.
Volontaire, courageux et opiniâtre sont les principales qualités du "phénomène".

Croyez-le ou non mais il cessa de boire du jour au lendemain.

Il eût quelques rechutes quand il allait mal mais de plus en plus rarement...


Aujourd'hui je ne sais pas ce qu'il en est car, je vous l'ai dit nous n'avons plus aucune nouvelle.


A t'il enfin trouvé le bonheur dans sa nouvelle famille?
En tout cas je lui souhaite sincèrement....

Bonne route Jojo!

PS: Enfin nous avons eu des nouvelles de Jojo, mais c'est un peu tard.

Hélas Jojo est décédé en Juin 2015 d'un arrêt cardiaque. 

Il a été incinéré auprès de sa famille.

 Que ses cendres reposent en paix. 

Ceux qui t'ont connu et apprécié tes côtés positifs ne t'oublient pas, Jojo. 

Adieu Jojo.