vendredi 28 mars 2014

Petit soleil de nuit



Il semble que cette pluie qui nous dégouline dessus ne cessera jamais.
Comme si des larmes d'angoisse et de détresse nous retombaient dessus en de multiples gouttes pénétrantes et envahissantes qui liquéfieraient toute notre personne

Encore un qui part : cinq cas de souffrance au travail en un an.
La violence institutionnelle et conjoncturelle globale a  raison de tous.

Les linceuls et les funérailles un peu partout ne se comptent plus... que de dégâts.

Ces jeunes ou moins jeunes de passage totalement dégoûtés par la violence, l'injustice et l'incompréhension qui partent voir ailleurs si les cieux leur sont plus cléments.

Toute cette détresse qui nous entoure et qu'il faut chaque jour accompagner me trempe jusqu'aux os.

Chaque journée, chaque nuit il nous faut continuer à jouer le rôle du clown blanc, celui qui remet sur le droit chemin, doit dominer celui qui s'écarte, rappelle à la loi, réprime toute infraction à la norme.

Je n'ai plus envie ce soir d'être ce triste clown submergé par l'angoisse et la détresse des personnes que nous accompagnons.

Les forces ne me font pas défaut, bien au contraire.

Une énergie folle, indomptable s'est soudain emparée de moi.

Je suis l'Auguste énorme qui déclenche les rires... renvoie notre image , désopilante, grotesque, Gargantuesque..

Le poids des ans a disparu, envolé je ne sais où.

J'ai tous les âges, depuis l'enfant jusqu'au vieillard...
Je voyage en Espagne , en Italie, au Portugal, en Afrique, je fais le tour de la terre.

Le clown nous emmène tous dans un drôle de voyage.

Je deviens karatéka, chanteur à la mode, de rock, de yéyé...

La conchita qui ne supporte plus de faire le ménage et d'avoir les mains dans le cambouis de la détresse humaine. Etc etc...

Je suis devenu chacun d'eux et même plus. 

L'Auguste se moque de tous, de moi, du rôle qu'on me fait jouer, de celui qu'on veut leur faire jouer...je deviens énorme, incroyable.


Et eux ils sont là ébahis qui n'en reviennent pas me regardant m'amuser....

Ils rient comme ce n'est pas possible, même Vincent qui tremble de tout son corps quand ses angoisses s'emparent de lui.

Là il est heureux.... lui non plus n'en revient pas.

Son rire passe au dessus de ma voix, il semble qu'il ne va jamais s'arrêter.

Monique aussi est pliée en deux.

Le grand Charles lui est au cirque, il a oublié sa colère, oublié qu'il n'arrive pas à gérer ses frustrations .

Les autres aussi assistent hilares au spectacle unique improvisé presque malgré moi et rien que pour eux.

Le temps semble suspendu à mes pitreries, je suis devenu  plus fou qu'eux
 

Je continue longtemps...longtemps...

J'ai l'impression de décoller, de voler dans la pièce...
Lorsque je m'arrête, je vois toutes ces mines détendues qui me regardent les yeux écarquillés, un large sourire aux lèvres.

Comme je me sens bien....et eux aussi.
 Finalement c'est tout ce qui compte...

Après...eh bien... tout le monde part dormir...détendu... et moi...

Je suis redevenu le forçat de nuit, mon service nocturne vient à peine de commencer...
Maintenant j'ai un paquet de tâches quotidiennes à me « farcir » 

Je suis dans un état de vigilance  totale pour assurer le repos de tout ces corps endormis dans leur chambre, derrière la porte qui donne sur le grand couloir.

Une folle énergie totalement indispensable m'avait envahi  ce début de soirée, presque malgré moi
Sans doute  pour tenir le coup.

Ensuite détendu presque reposante la nuit passe.

Après avoir fait les transmissions orales auprès du collègue de jour, je rentre chez moi, me couche presque aussitôt et m'endors profondément en attendant la prochaine nuit.


Le sommeil est en train de réparer ma vieille carcasse fatiguée...
à tout à l'heure les Bisounours, je reviens presque tout de suite...